Mon inspiration je la tire du
conflit. Ça parait peut-être bizarre mais j’aime bien obtenir comme résultat au
terme de mon travail un volume choquant. J’aime aussi mettre en évidence les
contrastes et les dualités.
Je suis le
2ème d’une famille recomposée et je suis fier de toujours pouvoir
compter sur chacun en cas de besoin surtout sur mon père Mr Moluh Thadée ex
employé (Comptable) retraité à CAMTEL, pour qui il n’a pas toujours été facile
de redresser la tête dure que j’étais.
Je fais mes
premiers pas scolaire à l’École maternelle de la CNPS à Tsinga. Après quoi je
vais faire mon cycle primaire à l’École publique de Bastos. Mon parcours au
niveau du secondaire quant à lui sera plus agité et je vais me voir aller
d’établissements en établissements. C’est ainsi que j’obtiendrai mon BEPC au collège
privée Montesquieu, mon probatoire C au collège privée Matamfen, et enfin mon
Baccalauréat C au Lycée de la Cité-verte. Après mon BAC C, Je fais un virage à
180°et je vais m’inscrire en Fac. Lettre à la prestigieuse "université de
Yaoundé 1" pour y faire Géographie. Après trois années je passerai avec
brio le concours d’entrée à l’Institut des Beaux-Arts de Foumban Option
Architecture. Je sortirai de là quelques années plus tard et je vais au passage
effectuer quelques stages en cabinets d’Architecture. (Bureau des Arts
Techniques Sciences et Design, cabinet d’Architecture Jean-Christophe Ndongo,
Galdiano, etc.) Et des stages-ouvrier (Galdiano Entreprise espagnole de BTP,
Ets ABC, etc.)
1-
Avez-vous des passions ?
Comme tout jeune Camerounais et
tout Architecte, j’ai une passion signifiante pour tout ce qui est beau et tout
ce qui donne vie. Je fais aussi partie de ceux qui croient en le pouvoir de la
foi. La foi en Dieux, la foi en soit même et la foi en des lendemains
meilleurs.
C’est vrai
que ça remonte à très longtemps mais quand je dispose d’un peu de temps je peux
pratiquer les Arts martiaux (Jiu-jitsu) et j’aime regarder le Football.
Les Arts et
l’évolution technologique me permettent de me mettre professionnellement à
jour.
1-
Comment avez-vous ressenti l’appel à faire ce métier?
Je mentirai
si je disais que j’ai toujours rêvé de faire l’architecture même si quelque
part au fond de moi j’ai toujours été animé d’une envie de créer d’innover, de
concevoir et d’accoucher de quelque chose de différent. En fait je ne connais
le mot "Architecture" que d’orthographe jusqu’à ce qu’en 2010 je sois
informé du lancement du concours d’entrée à l’IBAF en filière Architecture. Maintenant
il m’arrive de me demander ce que je ferai si je n’étais pas architecte. Et la
réponse qui me vient est que je serai malheureux. (Peut être agriculteur).
Dans quelles conditions s’est
déroulée votre formation ?
Ma
formation s’est déroulée dans un contexte particulièrement ambigu. Je faisais
partie de la 1ère promotion d’étudiants architectes formés au
Cameroun et à certains moments nous devions être autodidactes pour mieux nous
en sortir. Néanmoins cette ambiguïté loin de me limité m’a forgé un caractère et
une voie et m’a permis de dépasser mes limites non seulement entant qu’Homme
mais surtout entant qu’Architecte.
Les moments marquants de votre formation ?
Je peux
citer quelques-uns mais la liste n’est pas exhaustive. Les architectes oublient
difficilement les moments des charrettes (de 1ère et 2ème
année). Quand vous veillez la plume dans une main, la gomme et la lame dans une
autre et le voisin qui a déjà déchiré son calque, pour avoir une note toujours
estimée insuffisante le lendemain, çà, ça ne s’oublie pas. Je me souviens aussi
de la 1ère participation aux Jeux Universitaires du Club
Architecture de l’IBAF que j’ai piloté en tant que président du Club, et aussi
des évènementiels de l’IBAF.
1-
Depuis quand exercez-vous ce métier, et comment étaient
les débuts?
Je m’intéresse
au métier depuis mon entrée en école d’architecture. Mais jusqu’en 2017, je ne
l’exerçais que comme apprenant. Comme professionnel, je suis à ma 2ème
année d’exercice du métier. Les débuts sont comme dans tous les domaines,
c’est-à-dire difficiles. Particulièrement dans un environnement parsemé d’autant
d’obstacles. D’une part la difficulté dans l’application des règlementations ne
permet pas une réelle insertion des architectes au profit des
"usurpateurs" du métier, d’autre part le peu d’architectes inscrits à
l’ordre en filtrent l’entrée. À côté de ça le gouvernement tarde à mettre sur
pied une réelle politique d’insertion professionnelle des architectes en
général et des Architectes formés au Cameroun en particulier.
1- Combien de projets avez-vous déjà menés ?
Je ne
compte plus les projets que j’ai déjà eu à concevoir. Ça part des habitations
de type villa jusqu’aux Equipements Recevant du Publique (établissements
d’enseignement supérieurs, hôpitaux, Bâtiments bureaux, aires de jeux et de détente, complexes
sportifs, etc.) en passant par les logements socio-collectifs, les projets d’aménagement
et de protection environnementale, et surtout ce que j’aime le plus les
restaurations. J’ai certes eu l’occasion et l’honneur de réaliser certains
parmi, mais jusqu’ici je suis à la recherche du "projet de
l’architecte". Ce chef d’œuvre reconnu par mes pairs qui me construira une
identité réelle d’architecte.
Comment trouvez-vous l’architecture de la ville
ou vous êtes ?
Pour être
sincère je dirai "précaire". Et ça c’est avec tout le respect. Je
trouve que l’architecte n’a pas la place qui est la sienne dans le processus de
développement au Cameroun. Son rôle est usurpé et les résultats sont claires et
peu reluisants. D’un côté on fait face à une urbanisation spontanée due à un
boom démographique et à une forte concentration de la population dans les
métropoles, avec tous les problèmes qui vont avec. Et de l’autre on a les
architectes qui donnent l’impression de se comporter en victime résignée face à
cette situation. Pour citer un célèbre penseur, "Il n’y aura de paix dans
la cité que lorsque les philosophes seront rois ou les rois philosophes." Comme
quoi l’architecte devra être rétabli dans son droit le plus absolu pour que
l’on commence à parler sérieusement d’Architecture au Cameroun. Néanmoins je
prends acte et félicite les efforts de nos ainés pour qui la tâche n’a
certainement pas été facile.
Quels sont les difficultés rencontrées dans
l’exercice de votre profession ?
La même (ou
presque) que celles de tous les architectes. C’est-à-dire :
-Une absence quasi-totale de méritocratie.
Près de 95% des marchés publics ne sont plus passés par concours ouverts. Le
génie des architectes se voit donc disparaitre au profit des pots de vins. Les
bâtiments se font certes construire mais le jeu étant truqué à la base il s’en
suit un enchaînement de problèmes et nous n’avons d’autre choix que de les
subir au quotidien.
-Une règlementation faite pour les tiroirs.
On ne le dira jamais assez les textes de loi rédigés par les Camerounais sont
parmi les meilleurs. Malheureusement entre ces textes et leur application sur
le terrain il y a encore du chemin à faire ; je dirai même beaucoup de
chemin.
-L’architecte au Cameroun est devenu un luxe.
S’il est un secteur qui est et qui sera toujours en mutation, c’est celui de
l’immobilier. Malheureusement c’est aussi l’un des plus gangréné par la
corruption. L’un des antidotes capable de soigner ce venin mortel pour la
profession au Cameroun serait sans aucun doute LA CONSCIENTISATION. Amener les usagers à comprendre que
l’architecte n’est pas un choix réservé aux plus nantis est une pilule encore très
difficile à avaler par tous.
J’ai
récemment eu l’occasion de faire un tour à Istanbul (Turquie) et en échangeant
avec les confrères de ce côté j’ai découvert que cette merveilleuse cité qui
aujourd’hui s’impose parmi les géants est le fruit d’un réveil des gouvernants
qui date de moins de 20 ans. Je pourrai tout aussi bien citer les cas d’autres
villes en Afrique comme le Sénégal ou le Rwanda pour ne citer que ceux-là, dont
les projets urbains en cours de réalisation présentent un réel
engagement des gouvernants.
1-
Comment les surmontez-vous ?
En un mot
je dirai "la foi".
Je crois en
Moi et Je m’engage et m’efforce de
croire en la sincérité de tous ceux qui m’entourent même si ça peut parfois
paraitre naïf dans un contexte aussi biaisé.
Je crois
que chaque jour en plus d’être meilleur que le précédent est un don et pour
cela, je me dois de tout entreprendre pour en profiter au maximum.
Parlez-nous de votre meilleur projet .
Comme on
dit "la charité bien ordonnée commence par soit même". J’ai ressenti
quelque chose de particulier en travaillant sur le projet de revalorisation du
lac municipal de Foumban. Originaire du Noun et y suivant ma formation (dans le
Noun), il ne pouvait en être autrement. Ce site qui prend de plus en plus une
valeur patrimoniale du fait de sa situation géographique et même de son
histoire méritait un hommage digne de ce nom au vu de son état de délabrement
très avancé. Un sujet que j’ai choisi de traité en projet de fin d’étude pour
être sûr de ne rien manquer, et j’ai été récompensé au-delà de mes attentes.
Ce projet
présentait plusieurs grands ensembles de bâtiments et j’ai choisi de marquer un
temps d’arrêt sur deux. Le centre aquatique, et les espaces commerciaux. Le
premier est un bâtiment R-4 et puisque j’ambitionnais de sauver les espèces
végétales et aquatiques je me suis inspiré du raphia qui est l’une des espèces
qui a vu sa population considérablement diminuée avec la transformation de ce
site. L’une des transformations de ce raphia les plus utilisées dans la
localité étant les paniers de raphia, j’ai essayé de mettre en évidence ce
concept et bien d’autres comme la fluidité, la noblesse etc.
Dans le
second grand ensemble, j’ai voulu mettre en évidence sur le plan
physico-mécanique la flottabilité de l’eau et sur le plan morphologique les
acquis de la ville de Foumban que sont le Palais (patrimoine UNESCO), le bois
(Foumban possède une grande réserve boisée), ses déchets plastiques, etc.
Au terme de
ce projet qui avait un volet ingénierie aussi meublé que le volet
architectural, j’ai trouvé un début de réponse dans le rôle et la place de
l’Architecte en Ingénierie.
Comment sont vos rapports avec vos
confrères ?
Je pense que j’ai toujours eu beaucoup
de respect pour le genre humain particulièrement pour les confrères, et surtout
qu’ils me le renvoient généralement. Je me suis toujours rendu disponible et je
le serai toujours pour prêter main forte à un confrère dans la mesure de mes
moyens. Je pense même que j’ai beaucoup plus appris en aillant le second rôle
(c’est-à-dire en aidant pour un projet) qu’en ailant le premier.
Avez-vous un modèle dans le métier ?
Pas un seul
mais plusieurs et j’essaie de tirer un petit quelque chose de chacun pour
construire mon identité architecturale.
Je pense
par exemple à
-Kunlé Adéyémi, dont le travail sur
l’école flottante m’a beaucoup inspiré,
-Mbouombouo Issofa, avec son
architecture assez controverse du musée de Foumban,
-Francis kéré Diébédo, qui présente
une architecture très adaptée à un environnement dit capricieux.
-Santiago Calatrava, pour son style
particulier qui laisse élégamment apparaitre sa bivalence (Architecte et
Ingénieur de génie civil).
Qu’est-ce qui vous inspire et vous motive ?
Ma famille
(particulièrement ma fille et sa mère) est ma bouffée d’oxygène. C’est elle qui
me permet d’espérer et de me relever après chaque chute.
Mon inspiration je la tire du
conflit. Ça parait peut-être bizarre mais j’aime bien obtenir comme résultat au
terme de mon travail un volume choquant. J’aime aussi mettre en évidence les
contrastes et les dualités.
Avez-vous un message à passer à nos lecteurs, ou
à nos dirigeants ?
A nos lecteurs je dirai tout simplement
"NON L’ARCHITECTE N’EST PAS UN LUXE."
À nos
dirigeants je dirai "La
civilisation n'est pas un entassement, mais une construction, une architecture."
Ne pas penser une ville et son organisation spatiale c’est planifier son déclin.
Hum l'architecte felici
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